Le Monde

La Biélorussie, nouvel eldorado des parieurs sportifs

Le monde du sport est à l’arrêt depuis bientôt un mois. Certains championnats mineurs, comme en Biélorussie, continuent néanmoins à se disputer, et attirent les parieurs sportifs en manque de sensations.

Que les plus fervents supporters de Brest se rassurent, ils peuvent toujours parier sur leur équipe. Ou plutôt, sur le Dinamo Brest, sa “version biélorusse. La Biélorussie est le dernier pays d’Europe où l’on joue encore au football, le seul sur lequel les parieurs invétérés peuvent encore placer leurs mises. Alors que, depuis trois semaines, le Covid-19 a contraint le monde du sport à un arrêt progressif en touchant plus de 180 pays, les sites de pari sportif commencent à accuser le coup.



“On en est à près de 95% de baisse du chiffre d’affaire lié aux paris sportifs”, remarque Tristan Guiglini, directeur des paris sportifs à Winamax. Depuis le début du confinement en France, le 17 mars, le nombre de parieurs sur ce site a été divisé par six, pour atteindre environ 60 000 joueurs. A l’heure actuelle, le football biélorusse concerne 10% des mises quotidiennes totales, contre 0,5% en temps normal.

“C’était vraiment par amusement”

Obligés de s’adapter, certains parieurs ont commencé à trouver le temps long. Au point de se rabattre sur le championnat biélorusse, pour des paris motivés par le plaisir plus que par un réel objectif de gains. “C’était vraiment par amusement. Je n’avais rien à perdre, confie Pablo, 22 ans. Normalement j’essaie d’analyser un maximum les rencontres pour chacun de mes paris. Là, ne connaissant presque rien sur ce championnat, je me suis seulement laisser guider par la forme des équipes.

D’autres sont encore plus enjoués, comme Léo, “fou amoureux du foot et des paris. Pour lui, pas question de changer ses habitudes : “Tant que j’ai de l’argent sur mon compte, je continuerai à parier.”

Principale difficulté pour les parieurs : la méconnaissance du football biélorusse. Et pour ne rien arranger, le championnat ne fait que reprendre dans ce pays. Après trois journées disputées, aucune équipe n’est donc en mesure de se dégager au classement, et le club historique local, le Bate Borisov, accuse déjà deux défaites. Pour autant, Tristan Guiglini l’affirme : “Les joueurs n’ont pas perdu plus d’argent en misant sur ces matchs, tout en reconnaissant qu’ils n’en ont “pas gagné non plus”.

Au contraire, le caractère imprévisible des rencontres attire les parieurs les plus joueurs, qui n’hésitent pas, pour certains, à combiner les paris. “En temps normal dans le championnat français, parier sur deux matchs ‘sûrs’ ne nous donne même pas une cote supérieure à deux (deux fois la mise, NDLR). En Biélorussie, parier sur deux équipes victorieuses peut monter très haut”, explique Léo.

114 000 euros de gains créent la polémique

Des gains parfois surprenants, donc, à l’image de ce qui est arrivé la semaine dernière à Mamadou. Ce cariste de 24 ans avait misé 50 euros sur six matchs. Résultat : un gain record de 114 699 euros annoncé par Unibet, le troisième montant le plus important de son histoire. Interrogé par le site de pari en ligne, il précise avoir “misé contre presque tous les favoris, pour avoir de grosses cotes”.

Le montant a posé question sur les réseaux sociaux. Certains utilisateurs y accusent Unibet d’avoir inventé Mamadou dans le seul but d’inciter les parieurs encore réticents à miser sur le football biélorusse. Les sceptiques mettent en avant le fait que l’interview publiée sur le site a été modifiée par Unibet à la suite d’une remarque sur Twitter. “Je ne pense pas qu’ils inventeraient un faux parieur, mais je n’ai pas plus d’informations”, répond de son côté le directeur des paris sportifs de Winamax. Si Unibet dément toute manipulation, il est impossible de retrouver la piste de Mamadou.

Outre ce cas exceptionnel, le pari moyen, lui, n’a pas bougé, en restant à dix euros de mise. Avec une différence notable: le nombre de paris réalisés au cours même des matchs. Les sites de pari possédant les droits de retransmission des matchs biélorusses, les amateurs en manque de football visionnent les matchs sur ces plateformes, et sont donc plus incités à parier devant un match en train de se dérouler.

Les sites de pari ont eux aussi dû s’adapter pour définir les cotes des équipes biélorusses. “Aujourd’hui, on traite un match biélorusse comme on traiterait un match de Ligue des champions”, note Tristan Guiglini à Winamax. Si les bookmakers, en charge de définir les cotes de chaque équipe, ont plus de risque de commettre des erreurs, ils profitent du peu de matchs, environ huit par semaine contre des milliers en temps normal, pour diversifier la nature des paris. “On essaie de faire des paris un peu plus spéciaux, comme de miser sur le nom des buteurs”, ajoute Tristan Guiglini.

Paris sportifs illégaux

Autres cas de figure : le Nicaragua, le Burundi, et le Tadjikistan, où les championnats continuent de se jouer sans pour autant que l’on puisse parier sur ces rencontres. En temps normal, l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), établit une liste de compétitions sur lesquelles les mises sont possibles, en fonction notamment de leur notoriété et de leur intégrité. Pour modifier cette liste, la procédure peut prendre au moins un mois.

Étant donné le peu de matchs disponibles sur les sites officiels de paris sportifs, les parieurs peuvent être tenté d’investir les sites illégaux, comme ceux proposés au Nicaragua. Face à ce risque, la procédure auprès de l’Arjel a été accélérée pour une double actualisation de la liste, les 20 mars et 2 avril derniers.

Boom des mises sur les jeux de hasard

Depuis, plusieurs sports et championnats ont été autorisés sur les sites de pari, comme le hockey biélorusse et les championnats de football sud-coréen et chinois, qui pourraient redémarrer ce mois-ci. “L’Arjel est assez stricte là-dessus. Il y a aujourd’hui quelques championnats de football et de basket, voire des combats de sumo, sur lesquels il est interdit de parier”, ajoute Tristan Guiglini.

Le manque à gagner autour des paris sportifs est, lui, compensé par le boom que connaissent actuellement les branches dédiées au poker et autres jeux de hasard, organisés sur ces mêmes plateformes.

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Maxime Lemaitre