À l’heure du confinement, distanciation sociale ne rime pas forcément avec perte de contact. À défaut de présence physique, on peut toujours se réunir en visioconférence avec ses proches pour l’apéro.
C’est l’histoire d’un rituel de confinement. Tous les soirs (ou presque), toute la bande (ou presque) se donne rendez-vous pour trinquer par écrans interposés. Comme pour des millions de Français, ces réunions rythment désormais ma vie de confinée.
Dans le groupe, deux catégories se font face. Ceux qui privilégient le pyjama, confortablement installés dans leur lit, et ceux qui se pomponnent pour l’occasion. “Savoir que j’ai un apéro me motive à me saper, à me coiffer comme si j’allais boire un verre en terrasse alors que je suis vissé sur mon canapé”, commente Yanis.
C’est justement le but de la manœuvre ; reconstituer à distance un apéro classique, retrouver pour quelques heures un semblant de vie normale, loin des tracas du quotidien. Plus que divertissant, ce moment privilégié est rassurant.
Bouffée d’air frais
Pour ceux qui sont confinés seuls, c’est le moyen de s’extraire de l’isolement. “Ça sauve la vie sociale”, résume Louise, cloîtrée dans son appartement parisien. Pour ceux qui vivent en couple ou en famille, c’est l’occasion de retrouver son intimité. Une “bouffée d’air frais”, pour Julie, retournée s’installer chez ses parents le temps du confinement.
Dans notre groupe, nous avons commencé les apéros à distance dès le deuxième jour de cette nouvelle vie à huis clos. Nous sommes passés par plusieurs applications; Messenger (le classique), Houseparty (pour les jeux), Zoom (où l’on rentre tous les dix). Toutes sont essentielles mais contraignantes. La version gratuite de Zoom, par exemple, coupe la visioconférence au bout de 40 minutes. À chaque fois, il faut la relancer.
Plus généralement, les réseaux wifi nous donnent du fil à retordre. Une est souvent pixelisée, une autre, parfois floue, certains n’ont pas toujours le son. C’est agaçant. Autre contrainte inhérente à l’apéro en visioconférence : “Impossible d’écouter de la musique et de mener plusieurs discussions en parallèle, sinon c’est vite la cacophonie”, souligne Louise. Dans ces circonstances, les “quoi ?” “hein ?” “qui parle ?” “qu’est-ce que t’as dit ?” fusent.
Maintenir le lien
Néanmoins, ces soirées à distance ont bien des avantages, parfois insoupçonnés. Déjà, elles permettent de “voir” plus qu’à l’accoutumée ceux qui sont loin, à l’étranger. Ensuite, à défaut de pouvoir faire la fête en club, elles forcent à faire preuve de créativité. Deux anniversaires se sont déroulés pendant le confinement et ont donné lieu à des événements alternatifs. Élaboration d’un spectacle chorégraphique, écriture d’une chanson pour célébrer celle qui souffle ses bougies, des moments gravés dans le marbre qui n’auraient pas eu lieu sans le confinement. Enfin, même si on se connaît par cœur et que les journées sont monotones, on est surpris d’avoir toujours de nouvelles choses à se dire. Ça va du “Pendant la douche, tu saisis le pommeau ou tu le laisses sur son socle ?” à des discussions très développées sur la masturbation.
On pensait tous qu’on allait se lasser des apéros par écrans en débutant l’expérience, et finalement non, ils sont un moindre mal. Une béquille émotionnelle nécessaire qui laisse cependant un goût d’inachevé. “C’est quand même frustrant de se voir qu’à moitié, de ne pas pouvoir se faire la bise, danser, chanter ensemble“, concède Alice. Évidemment, on est pressés d’arriver à la sortie, encore plus soudés qu’avant, mais ça permet de “tenir le coup pendant ces longues semaines“, insiste Mélanie. D’ailleurs, c’est déjà acté : nous passerons la première soirée du déconfinement réunis.
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Elodie Vilfrite