Le Monde

Le rugby recrute des réfugiés pour travailler dans les vignes

L’association Ovale citoyen qui œuvre pour l’insertion sociale par le rugby a lancé, le 22 avril, son opération “Un drop dans les champs. L’initiative solidaire propose aux agriculteurs en recherche de main-d’œuvre, le service de personnes en situation de grande précarité.

Le coup d’envoi a été donné. Quatre jeunes réfugiées, issues de l’association d’aide à l’insertion Ovale Citoyen, ont inauguré le dispositif “Un drop dans les champs au Château Sigalas-Rabaud, domaine viticole réputé et situé à Bommes, en Gironde. Il ne s’agit pas d’un match caritatif mais de fournir une main-d’œuvre qualifiée à des agriculteurs qui en manquent.

Ovale Citoyen a imaginé cette opération spéciale en réponse à la pandémie du Covid-19. L’initiative a été validée par l’État début avril. Elle consiste à proposer des saisonniers ayant le statut de réfugiés aux exploitants agricoles de la région. Ces derniers manquent de bras en cette période de confinement. Preuve en est: le gouvernement a appelé tous les Français désœuvrés à aller aider les agriculteurs. Sur le site de Pôle Emploi, plus de 200 000 postes cherchent preneurs pour les récoltes, sur l’ensemble du territoire.

“C’est un vrai plus pour nous, car nos saisonniers habituels ne sont pas là avec le Covid-19”, développe Laure de Lambert Compeyrot, directrice générale de la propriété viticole. 

Les réfugiées d’Ovale Citoyen dans un domaine vinicole en Gironde. Facebook/Ovale Citoyen

Pour l’association qui travaille habituellement à l’intégration des réfugiés et des personnes en situation de grande précarité par le rugby, c’est un nouveau défi. Il s’agit de “réunir deux mondes, celui des invisibles, des précaires, des réfugiés et des jeunes en déshérence avec celui des agriculteurs, détaille Jean-François Puech, président de l’association. 

Une aide mutuelle 

L’opération débute en Gironde mais devrait s’étendre à l’ensemble des départements de l’ancienne Aquitaine par la suite. “C’est un échange de bon procédés. Il s’agit de pallier un manque du côté des agriculteurs et de fournir du travail, car les plus précaires seront très impactés après le confinement. Et cela peut permettre aussi de casser l’image négative des réfugiés et des jeunes des quartiers. Quand il y a une possibilité de travailler, ils viennent bosser, se réjouit Jean-François Puech président de l’association.  


Et le monde agricole est réceptif au message. “Dès que j’ai eu vent des projets de l’association, j’ai appelé Jean-François Puech pour y participer. Cela me tenait à cœur de les aider et l’association étant à la base orientée vers le sport, on savait qu’on embaucherait des personnes avec des valeurs communes au rugby et à l’agriculture comme la ponctualité et l’abnégation, relate Laure de Lambert Compeyrot, directrice générale de la propriété. 

La coopération porte ses fruits et les premiers retours permettent d’améliorer le dispositif: “On a expliqué qu’il fallait un temps de formation avant que les employés viennent dans les vignes ou les champs, avance Laure de Lambert Compeyrot. Et tout de suite après, ils ont mis en place une formation pour chacun avant qu’ils ne rejoignent les exploitations.” De plus chaque groupe continue de bénéficier d’un suivi social et d’un téléphone portable pour rester en contact avec l’équipe d’Ovale Citoyen. 

Ce contact et ce partage ont motivé Laure de Lambert Compeyrot à prolonger l’expérience: “Je suis à fond dedans, je veux continuer. A la fin de la semaine, un réfugié sur les quatre a décidé de rester, ça peut paraître peu mais dans notre domaine, avoir 25% de réussite c’est énorme et c’est gratifiant de voir quelqu’un trouver potentiellement sa voie, affirme la viticultrice. Nous allons continuer à travailler ensemble. j’en ai même parlé avec des producteurs voisins. Nous allons faire en sorte que ce projet fonctionne. 

Soutenu par le monde du sport 

Le monde du sport a pris part à l’opération puisque l’association Ovale Citoyen est soutenue par plusieurs clubs de Top 14. “La Section paloise, et son président Bernard Pontneau ont permis de faire accélérer les démarches administratives”, détaille Jean-François Puech.

La Fédération française de Rugby, la Ligue, l’Union Bordeaux-Bègles, le SU Agen et le Racing 92 sont également partenaires ainsi que les footballeurs des Girondins de Bordeaux, qui aident à former les futurs saisonniers en assurant notamment leur transport. “Nous avons aussi un parrain, Rémi Lamerat et une marraine, Jessi Trémoulière, deux internationaux français qui sont à la fois dans le monde du rugby et le monde agricole, révèle le président. Un soutien précieux qui devrait permettre de voir l’initiative se développer.

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Paul Ruyer