Alors que l’heure du déconfinement approche à grand pas, les célibataires amateurs d’applications de rencontres commencent à anticiper le premier rendez-vous. Puisque la réouverture des bars et restaurants n’est pas à l’ordre du jour, pour beaucoup, c’est toute l’organisation classique de la rencontre qui est à revoir.
Marine est impatiente. Impatiente de pouvoir arpenter les rues sans attestation, impatiente de retrouver ses amis et surtout impatiente de rencontrer celui avec qui elle parle par messages depuis deux mois. Dans des circonstances normales, elle l’aurait déjà vu depuis des semaines mais, forcément, le confinement change la donne. “L’envie est à son maximum! Les appels et la visio, c’est bien, mais à un moment ça ne suffit plus”, résume-t-elle.
Marine est inscrite sur les applis de rencontre depuis plusieurs années sans trop savoir ce qu’elle cherche: “À défaut de pouvoir mener une vie active, je suis retournée sur Tinder pour me divertir pendant le confinement et, pourquoi pas, faire de bonnes rencontres.” Tinder, qui enregistre des records de fréquentations pendant le confinement. Dans la nuit du 29 mars, l’application a comptabilisé trois milliards de swipe dans le monde.
“J’ai déjà l’impression de la connaître”
Paul, 26 ans, partage la vision de Marine. Son rapport à l’application et aux rencontres a évolué avec le confinement. “Dans la vie normale, on ne prend plus le temps de prendre le temps. On veut rencontrer toujours plus de monde, toujours plus vite. J’ai l’impression qu’il y a plus de bienveillance et que les conversations sont plus consistantes sur les applis depuis le confinement. Ça m’a permis de tisser des liens avec une fille avec laquelle je parle quotidiennement. J’ai déjà l’impression de la connaître”, indique ce Parisien. Cette tendance à entretenir des échanges plus longs est visible en chiffres. Tinder a enregistré une augmentation de 23% de la durée des conversations entre utilisateurs pendant le confinement.
Frustré par l’impossibilité de faire ce qu’il veut avec qui il veut, Paul – qui ne recherche rien de trop sérieux – est pressé de retrouver les plaisirs de la chair, mais pas uniquement. “J’ai surtout hâte de voir cette personne et de passer du temps avec. Finalement, on parle avec quelqu’un, pas avec un corps, donc même si les objectifs sont communs, on se lie d’abord avec une personne.”
“S’il n’y a aucune alchimie, qu’est-ce qu’on va faire?”
Face à cette attente imposée par le contexte épidémique, l’enjeu est plus important pour les usagers des applis qu’à l’accoutumée. Maxime, 25 ans, l’admet: “On a plus communiqué donc il y a des attentes qui se sont créées même si je n’avais pas spécialement envie de ça à la base.”
Marine quant à elle est “un peu stressée”. “J’ai peur de l’avoir trop idéalisé”, convient-elle. Paul aussi se pose des questions: “Pendant le confinement, on s’est ‘chauffés’ à distance, on s’est dit qu’on se fera ça ou ça. Sur le moment, ça fait de l’effet mais on ne sais pas comment ça va se passer en réalité”, analyse le jeune homme. Mais pour lui, l’enjeu principal est davantage de l’ordre de l’implication personnelle: “Si finalement il n’y a aucune alchimie, qu’est-ce qu’on va faire? Je crains de me dire qu’in fine, je lui ai parlé pendant plus de 50 jours pour rien. Ce serait un peu éprouvant, je serais déçu de constater que je m’étais trop emballé.”
Accorder sa confiance à un inconnu ?
Au-delà de la possibilité d’une déception, il existe un risque qui n’a rien à voir avec les sentiments ou l’attraction: le spectre de la contamination. Puisqu’une rencontre réussie implique la rupture des gestes barrière, le risque de transmission est accru. Paul – de même que sa cible – est confiné avec ses parents. S’il ne prend pas la chose à la légère, il ne compte pas repousser le contact pour autant. “On n’a pas eu de symptômes du Covid mais on sait bien que ça ne veut rien dire. Depuis le début du confinement, on n’a pas bougé et notre entourage ne semble pas avoir été touché. On n’a pas été testés et j’avoue que l’envie prend le pas sur le reste après un temps si long. On a décidé de se faire confiance.”
La confiance, c’est aussi une histoire de sécurité, pas uniquement sanitaire. En règle générale, Marine organise ses premiers rendez-vous autour d’un verre dans un bar. Puisque l’option ne s’offre pas à elle à court terme, le plus simple reste la rencontre à domicile, et ça, elle n’en a pas envie. “J’ai déjà eu une mauvaise expérience. Un mec était venu chez moi, il ne correspondait pas du tout à ce que j’attendais. Je n’arrivais pas à m’en défaire, j’étais très mal à l’aise. Je ne veux pas me mettre dans une situation inconfortable voire dangereuse. Je trouve que ça engage trop d’aller chez l’un ou chez l’autre. Si ça se trouve, le garçon peut être dérangé, il peut ne pas comprendre que je ne veuille pas de rapport dès le premier soir, le feeling peut ne pas passer aussi bien que par messages… Il y a trop d’inconnues.”
Du match à la marche
À Paris, Marine voudrait privilégier l’option quais de Seine ou parcs mais ses projets pourraient bien être contrariés. Mardi 5 mai, Anne Hidalgo a dévoilé son plan de déconfinement pour la ville. La maire de Paris souhaite que “les parcs et jardins puissent être des lieux de promenade et de respiration” et qu’ils rouvrent avec un système de comptage. Elle précise qu’il n’est “pas question de permettre les pique-nique”.
Marco, Milanais installé dans la capitale depuis septembre, reste positif. “D’habitude, j’organise une virée au musée mais je vais changer mes plans, ce n’est pas grave. J’aime bien cuisiner alors je peux proposer un dîner chez moi. Si elle préfère qu’on se voit dehors, c’est bien aussi. Il y a tellement de choses à découvrir dans Paris rien qu’en se baladant.”
Thibaut aussi compte privilégier la mobilité et pourquoi pas apporter encore davantage d’originalité à cette rencontre par essence inhabituelle. “On peut imaginer un date à vélo, puisque davantage de voies y seront consacrées. Je pense à une sorte d’escape game en plein air avec une série d’indices pour atteindre plusieurs lieux et parvenir enfin à l’endroit de la rencontre. Des endroits qui ont du sens pour celui qui les choisit et donc l’occasion de découvrir une personne mais aussi de lui faire découvrir des choses.”
Si pour tous, l’issue de la rencontre reste encore incertaine, la découverte de l’autre s’annonce comme un petit événement du printemps après de longues semaines de suspense.
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Elodie Vilfrite