Le Monde

L’Effet confinement #4: quand les parcs d’attraction restent sur le carreau

Les parcs d’attraction ne sont pas autorisés à rouvrir leurs portes lors de la première phase de déconfinement, prévue pour ce lundi 11 mai. Mais ils espèrent pouvoir accueillir de nouveau le public au plus vite, car ils ne font actuellement aucune recette. De quoi à terme remettre en cause leur pérennité financière?

Au parc de la Mer de Sable, à une heure au nord de Paris, la vie ne s’est pas arrêtée avec l’annonce du confinement. Les tests des attractions, la maintenance et la décoration se poursuivent, mais avec un effectif très réduit afin de respecter les mesures sanitaires”, explique Isabelle Cauet, responsable marketing du parc. Le site n’a pas ouvert au public depuis le début de la trêve hivernale, en septembre, mais il a continué à vivre normalement, indique de son côté Arnaud Bennet, président du Pal, parc d’attraction couplé à un parc zoologique en Auvergne, depuis 40 ans. Les équipes ont continué à travailler, nous avons terminé nos chantiers et préparé le parc à la réouverture.”

A la mi-mars, le Pal espérait encore pouvoir ouvrir début mai.


Tous les parcs d’attractions comme le sien ont les yeux tournés vers une date de réouverture prochaine. Leur stabilité financière en dépend. Avril est habituellement le deuxième mois de fréquentation du parc, témoigne Laure Mosseron, directrice marketing du Futuroscope de Poitiers. La moitié de nos recettes provient de la billetterie, l’autre de la restauration, et des boutiques… donc le confinement a un fort impact financier.” 

Mais pas de quoi chambouler la situation du parc de loisirs pour autant. Aucune réduction d’effectif n’est à prévoir, étant donné que nos salariés bénéficient du chômage partiel, et tous nos projets sont pour l’heure maintenus, poursuit-elle. Certains ont pris du retard, mais aucun n’a été annulé. Nous avons la chance de compter sur des actionnaires solides.” Même son de cloche pour Arnaud Bennet, qui n’est pas inquiet pour l’avenir. Nous bénéficions d’une trésorerie solide. On va forcément décaler nos chantiers d’un an, mais on traverse cette période sans trop de difficultés.”

Réouverture en juin ou juillet?

D’autant qu’Arnaud Bennet, également président du Syndicat National des Espaces de Loisirs d’Attraction et Culturels (SNELAC), espère que Le Pal pourra ouvrir ses portes dans moins d’un mois. Nous sommes en discussion avec le gouvernement. Nous ne sommes pas encore fixés car tout bouge assez vite, mais comme notre département [l’Allier] a peu été touché, je suis confiant.” Du côté du Futuroscope, l’optimisme laisse place aux incertitudes. Nous sommes plutôt en train de nous préparer pour le début de l’été, en juillet, explique Laure Mosseron. Nous avons la chance d’être en zone verte, mais nous ne sommes pas prioritaires. Nous en saurons plus fin mai.”

Le 11 mai, les Français ne pourront se rendre à plus de 100km de leur domicile que pour des motifs impérieux. Et Laure Mosseron craint l’effet de cette mesure pour le parc à thème scientifique. On espère qu’elle finira par être abandonnée. Si ce n’est pas le cas, l’ouverture du site générerait plus de frais que ce que l’on pourrait espérer gagner.” Arnaud Bennet, lui, ne semble pas inquiet outre mesure. Je pense qu’en juin, cette barrière des 100km n’existera plus. Si l’intensité de l’épidémie diminue, il n’y a aucune raison de maintenir cette distance. La vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain.”

Le responsable du parc animalier croit même que la fréquentation pourrait augmenter à la réouverture. C’est une année particulière, poursuit-il. Nous pourrons compter sur des populations qui ne viennent pas d’habitude, des familles qui vont avoir envie de se distraire.” Laure Mosseron abonde dans ce sens. Nous aurons une perte sur le tourisme étranger mais, à l’inverse, beaucoup de Français qui devaient partir à l’étranger vont rester, ce qui ouvre un nouveau marché. Au final, tout sera lié à l’envie du public de pratiquer des loisirs en commun.”

Au Futuroscope de Poitiers, un nouveau genre de visiteurs…
Distanciation sociale et gestes barrières 

Car le public pourrait aussi boycotter les parcs d’attractions, avec pour objectif d’éviter le risque de contamination au Covid-19. Ainsi, les structures ont déjà établi des stratégies pour s’adapter à ce contexte hors du commun. On réfléchit à condamner des places dans les manèges pour éviter que des inconnus se retrouvent à moins d’un mètre les uns des autres, détaille Laure Mosseron du Futuroscope. Cela aura un effet évident sur la capacité de certaines attractions. Pour éviter les files d’attentes, nous pensons réduire la capacité d’accueil du parc à 5-6 000 visiteurs par jour.” Soit trois fois moins que la fréquentation habituelle de 15-16 000 personnes. Une mesure aussi considérée comme nécessaire à la Mer de Sable, dans l’Oise, malgré les pertes financières qu’elle engendrerait. Un seuil de fréquentation quotidienne sera respecté, ce qui implique une évolution des process d’achat de billetterie qui est en cours de réflexion”, poursuit Isabelle Cauet. 

Pourtant, sur le site du Pal, cela ne devrait pas être le cas. Il n’y a pas de raison d’appliquer dans un parc des réglementations plus strictes que dans l’espace public, tempère Arnaud Bennet. Selon le protocole national de déconfinement émis par l’Etat, on considère que quelqu’un est à risque s’il a été au contact d’une personne contaminée à moins d’un mètre pendant un quart d’heure. Sur les manèges, ce n’est jamais le cas. On considère donc que presque toutes les attractions du Pal ne sont pas un risque de contamination.” Le président du septième parc le plus fréquenté de France reste malgré tout prudent: Nous demanderons évidemment aux visiteurs de respecter les gestes barrières, et mettrons en place des dispositifs spéciaux dans les restaurants et salles de spectacle, où les visiteurs restent plus longtemps. Mais je ne suis pas certain que dans un mois, nous aurons encore besoin de dispositifs de protection individuelle très compliqués.” 

Le Futuroscope, quatrième parc le plus fréquenté de France, compte aussi sur ses atouts pour rassurer le public. Nous avons 60 hectares et beaucoup d’espaces verts, ce n’est pas un parc où l’on est serrés, avance Laure Mosseron. Les visiteurs ne doivent pas se sentir moins en sécurité qu’en déambulant dans les rues de leur ville.” Pour cela, les trois parcs seront force d’adaptation : renforcement du nettoyage dans certaines zones, mises en place de gel hydroalcoolique, protection sur les guichets. On appliquera à la lettre les mesures du gouvernement, assure Arnaud Bennet. Mais on ne peut pas se projeter aujourd’hui pour le mois prochain…”

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Aimée Goussot et Alexandre Ravasi